Le Figaro Littéraire
Valérie Tong Cuong avait obtenu il y a deux
ans un franc succès avec Big, son premier roman. Son deuxième
livre confirme son talent d’écriture et y ajoute une imagination
débridée. A la veille de son départ en retraite, Gabriel,
cadre supérieur, veut rompre avec son ancienne vie. Il quitte sa femme
et ses deux enfants, sympathise avec un handicapé, semble magnétisé
par une de ses voisines au passé trouble et se produit, déguisé
en femme, dans un cabaret où il chante l’Ave Maria de sa voix de
stentor. Reconnu par un ancien collègue, il est immédiatement
interné par sa famille. Drogué, assommé par les médicaments
et les piqûres, il sombre dans une douce léthargie dont il sera
tiré par son voisin de lit, qui le pousse à retrouver une vie
plus conforme en lui enseignant une philosophie new age. Faite de privations
et de rejet de sa vie passée, elle le transcende et le convainc qu’il
est un être d’exception. Les médecins le croient guéri,
et le rendent à sa famille… Et c’est là que le drame
éclate…. Certaines scènes rappellent celles de Vol au-dessus
d’un nid de coucou et forcent le lecteur à s’interroger
sur l’efficacité des thérapies psychiatriques…
Le Monde des Livres
Cadre supérieur proche de la retraire, brave
époux et père honorable, Gabriel part en promenade et ne rentre
pas. Fugue fort musicale puisqu’il gagnera sa vie en chantant l’Ave
Maria de Schubert, travesti en opulente cantatrice équivoque. Rattrapé
par sa famille et par la normalité, il est enfermé dans un asile,
fou amoureux de Mad, une tendre personne. La rupture, ce désir qui nous
hante de lâcher les amarres, de se créer une deuxième vie
qui annule la première, mort au passé, né au présent,
est au cœur de ce rêve d’évasion, invraisemblable mais
captivante.
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Elle
De quel côté se situe la folie ?
Du côté de Gabriel, qui, à la veille de la retraite, décide
du jour au lendemain de quitter femme et enfants pour devenir travesti dans
un cabaret ? Ou du côté de sa famille qui ne s’est jamais
posé aucune question et qui a toujours accepté, sans ciller, la
banalité du quotidien et les vertus hypocrites de la société ?
Après Big, qui a connu un franc succès, Valérie
Tong Cuong confirme son talent avec un excellent second roman.
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Le Magazine Littéraire
Gabriel est à la veille de la retraite, exactement
un an. C’est presque rien, un an, quand on a déjà fait un
si long chemin. Mais voilà qu’il se met à penser, qu’il
ne dort plus, se tait, se couche « immobile, les yeux fermés,
le corps tourné fermement vers le mur », sans même
« contempler le spectacle du bonheur tranquille de sa femme ».
Avec Anne depuis 34 ans, il ne sait plus pourquoi il s’est marié,
pourquoi il freine son désir de chanter l’Ave Maria de Schubert,
pourquoi les dimanches sont rongés par l’ennui. Maintenant, il
est en lutte avec sa femme, sûre de ce qui est bien et mal, en lutte avec
son fils, insupportable de morgue, « ce petit con qui me considère
de haut et y prend tant de plaisir », en lutte avec les tondeuses
dominicales alentour. C’est aussi trente ans de bureau, aux côtés
d’un collègue pour qui le travail reste l’essentiel. Après
tout, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Triste ludion en péril,
animé par un besoin irrépressible de se chercher, de donner un
sens à sa vie, au détour d’un mot, d’une réplique,
d’un bruit de trop, Gabriel décide de « passer à
autre chose » et de basculer. C’est le moment ou jamais.
Cette quête en forme de fuite le mène d’un paralytique au
cabaret, des bras d’une jeune femme au travestissement sur scène.
De la normalité à la marginalité. Peu importe. Quand Gabriel
se met enfin à chanter l’Ave Maria, sa gorge s’arrachant
de bonheur, il vole, évanoui, « et les notes s’égrenaient,
s’enfuyaient, emportant avec elles plus de soixante années de mensonge ».
Mais pour Gabriel, encore faut-il être à la hauteur de son désir,
pouvoir bazarder sa vie…
Valérie Tong Cuong relève les petits détails, les manies
ridicules, les habitudes qui finissent par lasser. Des petites manies qui ne
sont pas sans lendemain.
Construit comme un thriller psychologique, bousculant les paradoxes, haletant
et inquiétant, Gabriel est le livre de toutes les ruptures, avec les
siens, avec soi-même, avec son propre passé, jusqu’à
la rupture avec son avenir. Quand rompre signifie faillir, défaillir.
Jean-Claude Renart.